Journée internationale du procès équitable (IFTD), 14 juin 2025 Pays cible: Tunisie
Retenez la date de l’évènement IFTD : Jeudi 12 juin 2025, Bruxelles
et Appel à nominations pour le Prix Ebru Timtik (date limite 1er mai 2025)
Contexte
La Journée internationale du procès équitable (connue par son acronyme en anglais IFTD, International Fair Trial Day) est célébrée chaque année le 14 juin depuis 2021. Créée par un groupe d’avocats et d’organisations nationales et internationales d’avocats, l’initiative est soutenue par plus de 100 associations juridiques à travers le monde, toutes engagés à faire reconnaître l’importance vitale du droit à un procès équitable et à relever les graves défis qui menacent les règles du procès équitable dans le monde entier.
La Journée internationale du procès équitable est coordonnée par un Comité de pilotage* qui, chaque année, à la suite d’un processus de candidatures, sélectionne un pays cible –où les droits à un procès équitable sont systématiquement violés. Il organise également un événement et une série d’activités pour attirer l’attention sur la situation dans le pays cible. La conférence réunit des parties prenantes nationales et internationales afin d’examiner les problèmes systémiques liés au procès équitable et d’élaborer des recommandations concrètes pour y remédier, qui sont ensuite communiquées dans une déclaration publique et dans un rapport sur l’événement.
Le prix Ebru Timtik a été créé parallèlement à l’IFTD. Ebru Timtik était une avocate turque qui a perdu la vie le 27 août 2020 à la suite d’une grève de la faim de 238 jours, qu’elle avait entreprise pour protester contre les violations systémiques du droit à un procès équitable auxquelles sont confrontées les personnes en Turquie. Chaque année, à l’occasion de l’IFTD, le prix Ebru Timtik est décerné par un jury indépendant à une ou plusieurs personnes et/ou une organisation ayant contribué de manière significative à la défense et à la promotion du droit à un procès équitable dans le pays concerné.
Les précédentes éditions de l’IFTD et du Prix Ebru Timtik Awards se sont déroulées comme suit :
Journée internationale du procès équitable 2025 : Tunisie
Plusieurs propositions ont été reçues lors de la sélection du pays cible de l’IFTD 2025. Après un examen approfondi des dossiers et deux tours de scrutin, la Tunisie a finalement été choisie comme étant le pays autour duquel il convenait cette année d’organiser la Journée et ce pour les motifs suivants :
Le déclin de l’indépendance du pouvoir judiciaire
La Tunisie a connu un déclin significatif de l’indépendance de son pouvoir judiciaire au cours des dernières années. En février 2022, le président Kais Saïed a dissous le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), un organe indépendant qui nommait les juges et supervisait le système judiciaire1. Il a été remplacé par un conseil judiciaire provisoire directement contrôlé par le bureau présidentiel, ce qui lui permet désormais de nommer et de révoquer les juges selon sa volonté. Cette mesure a renforcé le pouvoir de l’exécutif sur le système judiciaire, et affaiblit donc l’autonomie de ce dernier et nuit au principe sacré en démocratie de la séparation des pouvoirs. Les juges sont désormais susceptibles d’être l’objet de représailles par le politique en cas de décisions prises à l’encontre de l’exécutif, ce qui compromet l’impartialité nécessaire à des procès équitables. L’absence de mécanisme permettant de demander des comptes à l’exécutif pour ses actions a suscité des inquiétudes croissantes quant à la capacité du pouvoir judiciaire à fonctionner de manière indépendante.
1 Commission Internationale des Juristes (Mai 2022), Le démantèlement de l’indépendance de la justice en Tunisie : le décret 11 sur le Conseil supérieur provisoire de la magistrature, https://www.icj.org/wp-content/uploads/2022/05/Tunisia- decree11-QA-Publications-legal-briefing-2022-FRE.pdf
En juin 2022, le président Saïed a limogé sommairement 57 juges, pour des allégations présumées de corruption et fautes graves2. Cependant, ces révocations ont été effectuées en l’absence de procédure régulière, ne laissant aucune possibilité de révision judiciaire ou d’appel. De telles actions menacent l’impartialité judiciaire car les juges peuvent craindre d’être révoqués pour avoir rendu des décisions qui remettraient en cause l’exécutif, ce qui érode encore plus l’État de droit.
Outre les changements structurels, le président a restreint les libertés d’association et d’expression des juges. Un décret de février 2022 interdit aux juges de faire grève ou de s’engager dans des actions collectives susceptibles de perturber le fonctionnement des tribunaux, les privant ainsi du droit fondamental de plaider pour l’indépendance de la justice3. Cette mesure est contraire aux normes internationales qui protègent le droit des juges d’exprimer leurs préoccupations et de s’organiser pour défendre leur profession et leur intégrité.
Les conséquences de ces décisions sur le respect au droit à un procès équitable sont alarmantes. Le pouvoir judiciaire étant sous le contrôle de l’exécutif, le risque d’ingérence politique dans les procédures judiciaires augmente. Les juges peuvent subir des pressions pour statuer en faveur du gouvernement dans des affaires politiquement sensibles, compromettant l’équité des procès, en particulier ceux initiés à l’encontre des figures de l’opposition ou des opposants au régime. Par exemple, certains des juges révoqués en 2022 auraient soi-disant refusé de suivre les ordres du gouvernement de poursuivre les dirigeants de l’opposition.
Une autre évolution préoccupante est le recours aux tribunaux militaires pour juger les civils, une pratique qui s’est développée ces dernières années. Des juges militaires, qui donc relèvent de la hiérarchie militaire et sont soumis à la discipline militaire, ne peuvent être considérés comme indépendants ou impartiaux. Par exemple, le 10 octobre 2024, la Cour d’appel militaire de Tunis a condamné Chaima Issa, une militante des droits de l’homme, à une peine de six mois de prison avec sursis pour des propos qu’elle aurait tenus lors d’une émission radio et critiques à l’égard du président Saïed4.
Cette pratique viole les normes juridiques internationales, en particulier le droit à être jugé par un tribunal compétent, indépendant et impartial, tel qu’il est prévu notamment dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
En Tunisie, les violations du secret professionnel sont de plus en plus préoccupantes, en particulier dans les affaires impliquant des personnalités de l’opposition politique et des défenseurs des droits de l’homme. Plusieurs cas illustrent l’érosion systématique de ce principe fondamental qui est essentiel pour garantir un procès équitable et protéger les
2 Amnesty International (10 juin 2022), Tunisie : Les révocations arbitraires de magistrats, un coup dur contre l’indépendance de la justice https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2022/06/tunisia-arbitrary-dismissals-a-blow-to-judicial- independence/.
3 Journal Officiel de la République Tunisienne (12 février 2022), Décret-loi n° 2022-11 du 12 février 2022, relatif à la création du Conseil supérieur provisoire de la magistrature, http://www.iort.gov.tn/WD120AWP/WD120Awp.exe/CTX_10136-35-pEswGTeYJQ/RechercheTexte/SYNC_-15774930
4 Center for Justice (15 octobre 2024), Tunisia: Military Court of Appeal sentences activist Shaimaa Issa to six months in prison – CFJ calls for an end to arbitrary measures against her, https://www.cfjustice.org/tunisia-military-court-of-appeal- sentences-activist-shaimaa-issa-to-six-months-in-prison-cfj-calls-for-an-end-to-arbitrary-measures-against-her/.
droits de tout justiciable. Parmi ces cas, des gardiens de prison auraient fouillé le sac de l’avocat Bechir Manoubi Ferchichi à son insu et hors de sa présence, alors qu’il rendait visite à son client en détention. Bien que la fouille ait été effectuée illégalement, elle a conduit à son arrestation et à l’ouverture d’une enquête sur la base des objets saisis qui, selon les gardiens, étaient destinés à faciliter une évasion5. Cette affaire a suscité l’indignation de la communauté juridique tunisienne, car elle a été perçue comme une atteinte directe au droit de l’avocat à une communication confidentielle avec son client.
Depuis 2021, la situation du procès équitable en Tunisie est devenue de plus en plus difficile en raison de l’instrumentalisation de la justice et du harcèlement qui subissent des avocats, des juges, des critiques, des journalistes et des blogueurs, de la société civile et des activistes politiques par les autorités tunisiennes. Ces actes peuvent prendre la forme de surveillances, arrestations, disparitions forcées, détentions et poursuites de ceux qui exercent leur droit à la liberté d’expression et/ou leur fonction professionnelle.
Le harcèlement et l’intimidation des avocats, en particulier de ceux et celles qui assurent une représentation dans des affaires politiquement sensibles, se sont considérablement intensifiés ces dernières années. Cette situation se manifeste sous diverses formes, notamment des poursuites pénales, des agressions physiques et des restrictions légales, ce qui porte gravement atteinte à l’indépendance de la profession juridique et menace les droits à un procès équitable et à l’accès à la justice. En juin 2024, plus de 60 avocats faisaient l’objet d’une enquête6. S’ils sont reconnus coupables, ces avocats pourraient se voir infliger de lourdes peines, notamment d’emprisonnement et des amendes sévères7.
La disparition de certaines protections juridiques de la nouvelle Constitution de 2022, présentes dans la version de 2014, a laissé présager l’intention du régime d’affaiblir la profession d’avocat et d’éroder l’indépendance de la justice8. Le recours à des dispositions juridiques vagues et générales, telles que celles figurant dans le Code des télécommunications et le Code pénal tunisiens, a permis aux autorités de cibler au moins 20 avocats avec des accusations allant de la « diffusion de fausses nouvelles » à l’« offense à des fonctionnaires publics ». Sur la base de ces textes généraux, des avocats, comme Abdelaziz Essid, sont jugés pour avoir « nui aux tiers » et « avoir imputé à un fonctionnaire public des faits illégaux sans avoir justifié de l’exactitude de l’imputation » en raison des déclarations faites au sujet d’une affaire de conspiration dans laquelle il intervenait. Cet environnement marqué par le harcèlement judiciaire a sévèrement limité la capacité des avocats à exercer leurs fonctions, fragilisant leur rôle dans le maintien de l’État de droit et la défense des droits humains.
Les journalistes et les médias sont également gravement menacés. Ces dernières années ont été sensiblement marquées par un contrôle accru des médias, une limitation des échanges avec les journalistes au profit de communiqués unilatéraux et d’un harcèlement judiciaire à l’encontre des journalistes.
5 Lawyers for Lawyers, World Organisation Against Torture et al. (2024), Lawyers in Danger: The Ongoing Crackdown on Lawyers in Tunisia, https://omct-tunisie.org/wp-content/uploads/2024/01/Avocat-en-danger-ENG-Final.pdf.
6 Conseil National des Barreaux (14 juin 2024), Résolution sur la situation des avocats en Tunisie https://www.cnb.avocat.fr/sites/default/files/documents/xx.cnb-rp_2024-06- 14_caei_resolution_concernant_la_situation_des_avocats_en_tunisie_ok.pdf
7 Amnesty International (28 mars 2024), Tunisie. En prenant pour cible des avocat·e·s, les autorités entravent l’accès à la justice, https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/03/tunisia-authorities-targeting-of-lawyers-undermines-access-to- justice/
8 https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/03/tunisia-authorities-targeting-of-lawyers-undermines-access-to-justice/ ; https://omct-tunisie.org/wp-content/uploads/2024/01/Avocat-en-danger-ENG-Final.pdf.
En septembre 2022, le président Saïed a signé le désormais tristement célèbre décret 54, qui rend illégal le fait de « produire, répandre, diffuser, ou envoyer, ou rédiger de fausses nouvelles, de fausses données, des rumeurs, des documents faux ou falsifiés ou faussement attribués à autrui dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou porter préjudice à la sureté publique ou à la défense nationale ou de semer la terreur parmi la population ». La sanction est une peine de cinq ans d’emprisonnement. Le décret a
«transformé chaque journaliste en suspect » lequel « peut être convoqué à tout moment pour être interrogé sur tout ce qu’il publie en ligne » 9. Les chiffres de Human Rights Watch et d’Amnesty International suggèrent que, depuis fin 2022 jusqu’à mai 2024, plus de 70 personnes, dont des opposants politiques, des avocats, des journalistes, des militants, des défenseurs des droits humains et des utilisateurs de médias sociaux, ont fait l’objet de poursuites arbitraires ; au moins 40 personnes seraient en détention de façon arbitraire, la plupart d’entre elles ayant été arrêtées dans le cadre de l’exercice de leurs droits tels que protégés par les instruments internationaux10. Le 24 octobre 2024, Sonia Dahmani, éminente avocate tunisienne et commentatrice des médias, a été condamnée à deux ans de prison pour des déclarations faites à la radio critiquant les procédures d’immigration de la Tunisie11. Selon le Comité pour la protection des journalistes, au 1er décembre 2024, au moins 5 journalistes étaient détenus en Tunisie, le nombre le plus élevé depuis 199212. Malgré ses objectifs invoqués officiellement, le décret 54 n’aurait
« jamais été appliqué aux cyberattaques » 13.
Le 15 octobre 2024, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a fait une déclaration14 appelant les autorités tunisiennes à protéger les processus démocratiques du pays et à défendre les libertés fondamentales après une campagne présidentielle marquée par la répression de l’opposition, des militants indépendants et des journalistes. Un porte-parole de Volker Türk a noté que plusieurs candidats à l’élection présidentielle avaient été arrêtés et condamnés à de longues peines d’emprisonnement pour divers chefs d’accusation, et a fait remarquer que « (d)e tels cas sont préoccupants. Leurs procès indiquent un manque de respect pour le droit à une procédure régulière et les garanties d’un procès équitable15 ».
9 Zied Dabbar, Président su Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), cite en Committee to Protect Journalists (16 janvier 2025), Tunisia uses new cybercrime law to jail record number of journalists, https://cpj.org/2025/01/tunisia- uses-new-cybercrime-law-to-jail-record-number-of-journalists/.
10 Amnesty International (30 mai 2024), Tunisie. Les autorités intensifient leur répression contre les médias et la liberté d’expression, https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/05/tunisia-authorities-escalate-clampdown-on-media-freedom- of-expression/
11 FIDH (2024), Tunisie : Solidarité internationale avec les avocat·es contre le retour à la dictature, https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/tunisie/tunisie-solidarite-internationale-avec-les-avocat-es-contre-le- retour; Euro-Mediterranean Human Rights Monitor (3 October 2023), Tunisia: Anti-terrorism law threatens civilians and sparks fear among dissidents, https://euromedmonitor.org/en/article/6447.
12 Committee to Protect Journalists (16 janvier 2025), Tunisia uses new cybercrime law to jail record number of journalists, https://cpj.org/2025/01/tunisia-uses-new-cybercrime-law-to-jail-record-number-of-journalists/; voir aussi, Reporters sans frontières, Tunisie, https://rsf.org/fr/pays/tunisie .
13 Zied Dabbar, Président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), cité en France 24 (3 mai 2024), Tunisian Decree 54 on ‘false news’ stifles dissent: rights groups, https://www.france24.com/en/live-news/20240503-tunisian-decree- 54-on-false-news-stifles-dissent-rights-groups.
14 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (15 octobre 2024), Volker Türk appelle la Tunisie à respecter l’état de droit et les libertés démocratiques, https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2024/10/turk-calls-tunisia- uphold-rule-law-and-democratic-freedoms
15 Office des Nations Unis à Genève (15 octobre 2024), La porte-parole de l’ONU pour les droits de l’homme, Liz Throssell, parle de la situation en Tunisie https://www.unognewsroom.org/story/fr/2390/2024-10-15-un-human-rights- spokesperson-liz-throssell-on-the-situation-in-tunisia-1080p .
b)Torture et mauvais traitements des détenus et conditions de détention
Les conditions de vie dans les prisons tunisiennes sont très dures : les personnes sont détenues dans de grandes cellules surpeuplées, où l’hygiène et l’alimentation sont déficientes, l’accès aux soins médicaux est difficile, l’organisation des visites est inadaptée, et des cas de violence et de torture sont régulièrement signalés. En 2021, les prisons tunisiennes fonctionnaient à plus de 126 % de leur capacité, avec près de 23 500 personnes détenues dans un système dont la capacité officielle est de 18 500 places16.
Des prisonniers politiques ont déclaré avoir été soumis à des conditions de détention extrêmement mauvaises, assimilables à de la torture ou à des traitements humiliants ou dégradants. Ils ont notamment été détenus dans des cellules sans accès à des toilettes, ni à l’eau chaude et, en 2023, deux prisonniers politiques auraient été transférés dans des cellules infestées de punaises et d’insectes, constamment éclairées par cinq ampoules au néon17 . Le 10 septembre 2024, l’avocate Sonia Dahmani a été contrainte de changer de tenue avant de se présenter au tribunal pour une audience dans le cadre de son procès, et a dû porter une tenue dégradante et humiliante – y compris un chemisier taché – choisie par la directrice de la prison.
A la suite de sa visite en Tunisie en 2022, le Sous-Comité des Nations Unies pour la prévention de la Torture (SPT) a déclaré que la visite avait « révélé de sérieux problèmes (…) qui préoccupent le SPT, notamment la surpopulation carcérale, qui empêche la séparation entre les détenus prévenus et condamnés, et les violences policières, qui persistent aussi du fait de l’impunité de leurs auteurs 18».
La surpopulation des prisons tunisiennes a été attribuée aux retards prolongés dans les procédures judiciaires, aux lourdes peines de prison prononcées et à une grande proportion de personnes en détention provisoire.
Les migrants et les demandeurs d’asile ont été soumis à des traitements très préoccupants en Tunisie, y compris à des atteintes physiques et psychologiques, ainsi qu’à des violations systématiques de leur droit à un procès équitable. Les migrants et les candidats réfugiés sont souvent victimes de détentions arbitraires, se voient refuser l’accès à une représentation juridique et sont privés d’accès effectif à un contrôle judiciaire. En mai 2024, les forces de sécurité ont expulsé des centaines de migrants et de candidats réfugiés de Tunisie, notamment des femmes, des enfants et des demandeurs d’asile qui avaient campé à proximité des bureaux du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Tunis. Cette mesure a été rapidement suivie par l’arrestation et la détention d’Abderrazek Krimi et de Mustafa Djemali, respectivement chef de projet et directeur du Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR), qui ont été interrogés par la police de la Brigade Criminelle sur les sources de financements étrangers, avant d’être placés
16 World Prison Brief, Tunisie, https://www.prisonstudies.org/country/tunisia.
17 Middle East Eye (4 avril 2023), https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/tunisie-detenus-politiques-prison- conditions-kais-saied-droits-de-lhomme
18 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (6 avril 2022), Tunisie : des progrès réalisés mais des préoccupations persistent, selon un organe de prévention de la torture de l’ONU https://www.ohchr.org/fr/press- releases/2022/04/tunisia-progress-made-concerns-remain-says-un-torture-prevention-body
en garde à vue et accusés d’abriter illégalement des personnes en Tunisie.
Des experts de l’ONU ont exprimé leurs inquiétudes face aux rapports faisant état de violations des droits humains envers les migrants, les candidats réfugiés et les victimes de traite des êtres humains lors des opérations de recherche et de sauvetage et transferts vers les zones frontalières19, ainsi qu’aux arrestations et campagnes de diffamation à l’encontre des défenseurs des droits des migrants20. Six membres de la société civile sont actuellement en détention pour avoir aidé des migrants, dont des représentants de l’association Tunisie Terre d’asile, accusés d’avoir facilité le séjour illégal de migrants. Des ONG ont également été convoquées et soumises à des contrôles fiscaux, entraînant le gel immédiat de leurs comptes, ce qui entrave leurs activités.
Ces actions ne portent pas seulement atteinte aux droits des migrants, des réfugiés et de celles et ceux qui défendent leurs droits, mais elles ont également un effet dissuasif sur les organisations de la société civile. L’absence d’obligation de rendre compte de tels actes témoigne d’un mépris plus général des normes internationales en matière de droits de l’homme qui garantissent la protection des défenseurs des droits humains ainsi que les libertés fondamentales qu’ils promeuvent.
Dans ce contexte, la Commission européenne et la Tunisie ont exprimé leur désir d’établir un partenariat opérationnel plus fort dans le domaine de la migration, de la lutte contre la traite des êtres humains et de la promotion de la migration légale. Les experts en droits humains ont particulièrement mis en garde contre les risques d’un accord de coopération migratoire qui « ne traite la question des droits humains qu’en termes très généraux et ne contient aucune indication concrète sur la mise en place de garanties ou sur leur nature » 21, ce qui peut conduire à la probable détérioration d’une situation déjà critique pour les migrants en Afrique22. Comme le souligne Amnesty International, « la coopération en cours entre l’Union européenne (UE), les États membres de l’UE et la Tunisie en matière de contrôle des mouvements migratoires (…) contribue à des violations des droits humains 23». L’accent mis par la IFTD sur la Tunisie en 2025 sera une occasion opportune de sensibiliser les autorités européennes à l’impact de cet accord sur la situation des droits humains en Tunisie.
La pression exercée par les acteurs internationaux, ainsi que la solidarité et le soutien à la communauté juridique tunisienne, restent essentiels pour améliorer la situation des droits humains en Tunisie. L’IFTD 2025 offre une opportunité concrète de dialogue
19 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (14 octobre 2024), Tunisie : les experts de l’ONU s’inquiètent de la sécurité des migrants, des réfugiés et des victimes de la traite des êtres humains https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2024/10/tunisia-un-experts-concerned-over-safety-migrants-refugees-and-victims 20 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme(1 octobre 2024), « Tunisie : un expert de l’ONU est alarmé par les arrestations et les campagnes de diffamation contre les défenseurs des droits des migrants”, https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2024/10/tunisia-un-expert-alarmed-arrests-and-smear-campaigns-against-migrant- rights
21 Conseil de l’Europe, Commissaire aux droits de l’homme (17 juillet 2023) « La coopération des États européens avec la
Tunisie sur la question migratoire devrait s’accompagner de garanties claires en matière de droits humains », https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/european-states-migration-co-operation-with-tunisia-should-be-subject-to-clear- human-rights-safeguards
22 Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Rapport d’Intersession par Mme Salma Sassi-Safer, Rapporteure Spéciale sur les Réfugiés, les Demandeurs d’asile, les Personnes Déplacées et les Migrants en Afrique – 79OS (16 mai 2024), https://achpr.au.int/fr/intersession-activity-reports/rapporteure-speciale-refugies-demandeurs-dasile-
personnes parr. 96.
23 Amnesty International (octobre 2024), Déclaration Conjointe : La Tunisie N’est Pas Un Lieu Sûr Pour Les Personnes Secourues En Mer https://www.amnesty.org/fr/documents/mde30/8593/2024/fr/ .
et offre d’avoir un impact fort par une analyse stratégique de l’environnement politique et des conditions systémiques.
Appel à nominations pour le Prix Ebru Timtik 2025
Le Comité de pilotage de l’IFTD invite également à présenter la candidature d’une ou plusieurs personnes ou organisation pour recevoir le prix Ebru Timtik. La(s) personne(s) ou organisation nommée(s) doivent faire preuve d’un engagement et d’un sacrifice exceptionnels dans la défense des valeurs fondamentales liées au droit à un procès équitable en Tunisie. La(s) personne(s) ou organisation nommée(s) pour le prix doivent être ou avoir été active(s) dans la défense et la promotion du droit à un procès équitable en Tunisie, soit par un travail récent et remarquable en relation avec ce droit fondamental, soit par une implication à long terme dans les questions relatives au procès équitable.
La date limite de dépôt des candidatures est fixée au 1er mai 2025. Les candidatures peuvent être présentées par des organisations ou par de groupes d’individus soutenus par une organisation (voir le point 3 ci-dessous). Les candidatures doivent être soumises en anglais à nominationsetaward@gmail.com et inclure :
Pour plus de détails sur les critères et la procédure d’attribution du prix, voir « Critères de sélection pour l’attribution du prix Ebru Timtik pour un procès équitable ». Après la date limite, un jury composé d’experts indépendants sur le droit à un procès équitable, dont un ou plusieurs du pays concerné, examinera et évaluera les candidatures et déterminera le(s) lauréat(e.s) du prix.
*Le Comité de Pilotage de la Journée internationale du procès équitable et Prix Ebru Timtik est composé des organisations suivantes :
• International Observatory for Lawyers in Danger (OIAD)
It you have any question, please write us a messege what you want to know
nominationsetaward@gmail.com.
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